Zen and the Art of Motorcycle Maintenance

Pirsig
J’ai décidé de garder une trace de mes lectures sur GG. Je ne me lance pas dans du retro-catalogage et je commence donc à partir du dernier livre que j’ai lu.
Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes est un roman philosophique écrit en 1974 par Robert M. Pirsig. On y suit un voyage à moto réalisé par l’auteur à travers les Etats-Unis avec son fils Chris et un couple d’amis. Ce voyage est le prétexte à un exposé, un chautauqua donné par Pirsig. L’auteur mélange philosophie et histoire de sa propre vie. On apprend qu’il sort d’un hôpital psychiatrique où son ancienne personnalité (qu’il nomme Phèdre) a été détruite à coups d’électrochocs. Dans son ancienne vie il était un professeur d’anglais et de rhétorique passionné de philosophie. Tout va basculer quand il va se lancer dans l’étude du concept de qualité. A la suite de ses recherches il met en place un système philosophique qui divise la pensée humaine en deux types : romantique et classique. Surtout, il voit en la qualité la force créatrice au cœur de toute chose et qui transcende la dualité traditionnelle entre sujet et objet. Cette quête de la qualité va l’entraîner dans la folie.
Au moment de son voyage, l’auteur est devenu rédacteur de manuels pour ordinateurs. C’est ici qu’entre en jeu l’entretien des motos. Pirsig est un technicien passionné de mécanique, un parangon de la pensée classique. Il veut nous faire comprendre l’importance de la connaissance de la technologie. Mais plus encore il veut faire le lien entre la pensée classique et la romantique. Et veut éliminer la crainte anti-technologique qui va souvent de pair avec la pensée romantique. Pour lui, le Bouddha se trouve au cœur de la moindre vis du moteur d’une moto ou d’un circuit d’ordinateur.
Au fil du livre on se rend compte qu’il veut surtout faire le pont entre Phèdre, son ancien moi romantique, et son nouveau moi classique. Réunies, les deux personnalités seront plus que la somme des parties.
A la suite de ce livre Pirsig a développé ses réflexions pour créer la métaphysique de la qualité. Je ne suis pas d’accord avec toutes ses idées, mais j’aime beaucoup sa philosophie sur le rapport avec la technologie. Le livre a eu beaucoup de succès à l’époque et continue à bien se vendre. Ses idées sur la technologie se retrouvent en filigrane dans la philosophie du net et de certains concepts informatiques. Je suis intimement persuadé qu’il y a un rapport.
Le livre est plus facile à lire qu’un ouvrage de philosophie mais moins qu’un roman classique. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille (comme souvent avec les objets importants de la culture contemporaine) d’aller jeter un coup d’œil sur la notice de Wikipedia. Ils reprennent des liens vers un site dédié à la métaphysique de la qualité et vers une collection de photos prises durant le voyage de Pirsig. Je vous rajoute le lien vers le livre sur amazon.com : il est toujours amusant de jeter un coup d’œil aux critiques des lecteurs. Les avis sont très tranchés, les gens adorent ou détestent. Et les avis négatifs sont souvent peu développés : les lecteurs se plaignent de ne rien avoir compris et expliquent que l’auteur doit être fou puisqu’il est passé par des séances d’électrochocs.
En fin de compte, je vous le conseille. Tout n’est pas bon, mais il se peut que vous trouviez le Bouddha entre deux explications sur le démontage d’un moteur.

Update (07/12/2006): voici une excellente interview avec Robert Pirsig.

9 comments

  1. J’avais commencé “Traité du zen…” il y a 2 ans, en parcourant le GR 70. Je l’ai continué cet été en faisant de l’alpinisme à Chamonix, puis je l’ai fini il y a une semaine au cours d’un voyage au Sénégal…
    J’ai donc lu ce “road-novel” en voyageant, peut-être parce qu’il appelait naturellement une lecture “en mouvement”, à l’image de cette traversée des Etats-Unis que font le narrateur et son fils sur cette fameuse “motocyclette”.
    Que “vaut” ce livre dont le sujet est, précisément, le concept de “qualité” ? C’est d’une certaine manière une mauvais roman, mais c’est à coup sûr un grand livre. Chercheurs d’histoires et d’intrigues, passez votre chemin. Chercheurs de pensées et de philosophie, vous serez ravis… Pour moi, en tout cas, il est une étape importante dans ma vie de lecteur, et peut-être dans ma vie tout court… Il n’y a pas de hasard. Ce livre m’a été offert par quelqu’un qui me connaît bien. Je suis toujours effaré de réaliser à quel point les livres m’arrivent “à point nommé”…
    N’hésitez pas, donc, à faire ce voyage en compagnie de Robert Pirsig, et merci à ce blog et à son blogueur d’en parler si bien et donner des liens.
    yves Gerbal (“Ivre Verbal”) (Aix-en-Provence)

  2. Je n’ai jamais compris l’engouement pour ce roman (je l’ai lu il y plus de 20 ans) à chaque page j’avais envie de crier à l’auteur “éclate toi, joui de la vie, fait le fou”, pour moi c’était l’archétype du mec coincé, hyper méticuleux qui range chaque chose à sa place et puis pourquoi donner à son ancienne personnalité, le nom de Phédre qui est une héroine perfide et incestueuse ?

  3. Et c’est bien là le coeur du roman, le jouisseur était son ancienne personnalité et il découvre à la fin que son fils préférait le Phèdre exalté et délirant à la personne pragmatique et rangée qu’il est devenu.
    PS: Fred, c’est normal si ton commentaire n’est pas apparu tout de suite. Le système de protection temporise toujours l’apparition de commentaires sur les anciennes notices en prenant ça pour du spam…

  4. Lorsqu´a la fin du roman Phedre s’assoit plusieurs jours sans bouger, qu’il s’urine dessus, trouve t-il l’Eveil bouddhiste ? Certains passages semblent le demontrer. Qu’en pensez-vous ?

  5. juillet 2007

    Un des mes étudiants m’a parlé de ce bouquin,lors de la dernière session. Je suis très intriguée. Je régide actuellement mon mémoire de maîtrise et je sens qu’il va m’inspirer… Je l’ai commandé, on verra !
    Pro

  6. Salut Propulsion,
    un bon choix ! Tu me diras ce que tu en pense une fois que tu l’aura lu…

  7. La traduction française de ce livre est absolument lamentable. Il y a une dizaine d’années, sachant mon intérêt pour ce livre, un ami m’en a donné la version originale que j’ai lue avec avidité (je maîtrise bien l’anglais) pour m’apercevoir que les fautes de traduction étaient partout, et surtout que des pages entières n’avaient pas été traduites!!!
    En fait, il est clair que les traducteurs ne connaissaient rien ni à la moto ni au zen, ni à la langueur monotone de la traversée des plaines de l’Ouest… Tout le sel en est donc absent.

    Si cela intéresse quelqu’un, je peux donner des exemples.

    Quoi qu’il en soit, le livre est moins facile qu’il n’y paraît. Il a été suivi d’un autre, Lila, que j’ai traduit et qui pourrait être bientôt publié. Il y développe davantage son concept. Je suis en train de le relire, et je me rends compte que c’est le genre de bouquin qui est si dense qu’on rate plein de trucs, la première fois, la seconde et même la troisième. (Pour mémoire, j’ai déjà lu six fois le Seigneur des Anneaux…)

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