Colin m’a envoyé un article (le résumé des faits ici et ici) sur un cas de conscience pour bibliothécaires assez compliqué. Au New Jersey, une fillette de 12 ans a été menacée sexuellement par un homme à la sortie d’un building municipal. La fillette, interrogée par la police a reconnu le titre d’un livre que l’homme transportait et qui provenait de la bibliothèque se trouvant dans le bâtiment.
Interrogée par la police, la bibliothécaire a refusé de donner les informations permettant d’identifier l’homme sans un mandat en bonne et due forme.
L’homme a finalement été arrêté et la bibliothécaire risque des sanctions pour ne pas avoir directement fournis les informations à la police. Elle a pourtant suivi les dispositions légales du New Jersey et la question de la confidentialité des informations des utilisateurs de bibliothèques est une question très sensible aux Etats-Unis. Une lutte oppose le gouvernement américain à de nombreux bibliothécaires sur l’accès du FBI aux informations des lecteurs sur base des différents Patriot Act créés en réponse aux événements du 11 septembre.
J’avoue que je ne sais pas ce que j’aurais fait dans ce cas. Dans le cadre belge je crois cela ne me poserais aucun problème d’aider la police a attraper un type qui s’en prends à des enfants. Mais je comprends que la confidentialité des informations personnelles est au centre d’une lutte politique aux Etats-Unis.
A côté de cela le respect de la confidentialité des informations des lecteurs reste aussi une base des bibliothèques en Belgique. Elle est spécifiquement prévue dans la législation. Les logiciels de bibliothèque (en Belgique du moins) ne sont pas sensés conserver la liste des prêts par lecteur. Dans les faits, cette décision est laissée aux bon soins des responsables de bibliothèque et n’est pas toujours suivie. La raison en est simple. Ce n’est pas une question de sécurité nationale mais un cas de figure que tous bibliothécaire a déjà rencontré : la personne âgée à la mémoire défaillante vous demandant si elle a déjà emprunté tel ou tel livre.
Et dans le cadre des bibliothèques bruxelloises affiliées au CCBI, il est difficile de savoir comment cela se passe. Un grand nombre de bibliothèques bruxelloises font partie du Catalogue Collectif Bruxellois Informatisé. Dans les faits, les données de toutes ces bibliothèques sont hébergées conjointement sur un serveur centralisé et les ordinateurs des bibliothèques n’ont qu’une fonction de clients. Les serveurs ne sont pas sensés conserver un log sur les prêts des lecteurs, mais qui sait… Je me suis toujours dit que le gouvernement avait du prévoir une backdoor vers ces informations. Détail amusant, Gial/Fourwin, la firme/service s’occupant de ces serveurs gère également ceux de la police bruxelloise. Mais il ne me viendrait pas à l’idée de mettre en doute la probité du CCBI, notre grand Big Brother bibliothéconomique adoré… L’ignorance, c’est la force !
Et bien mon bon GG, je crois que ce genre de dilemme n’existera plus le jour où tu connaîtras les joies (en majorité) et les craintes de la paternité.
Je crois que quand il s’agit de la protection d’enfants, les tiens dans un premier temps puis ceux des autres par extension naturelle, le problème ne se pausera plus. Tu collaboreras en t’évitant de te dire que s’il n’est pas attrapé et que s’il est coupable, il s’en prendra peut-être à un des tiens.
Alors que s’il est innocent, il sera facile pour lui de s’expliquer et surtout de comprendre l’attitude du bibliothécaire.
Il s’agit là du simple avis d’un papa.
Par extension, faut-il entrer dans une maison en feux pour en sortir plus rapidement des occupants ou attendre que les pompiers le fassent (ils sont payés pour ça, pas moi)? Il s’agit d’une violation de domicile et/donc d’une atteinte à la vie privée. Et si je casse qqch en plus en rentrant? Et s’ils ne veulent pas sortir car on ne trouve pas Médor ou Poupousse?
Pfffff ….. Je vais retourner bosser, c’est plus simple et je n’ai qu’à penser à sauvegarder de temps en temps.
Pareil à X-Tof…quoiqu’il ait suffit qu’il s’en prenne à n’importe qui en fait : enfant, femme, grand-mère…Mais c’est vrai que la protection de ce genre d’infos est sujet à discussion aux E-U avec le ‘Patriot Act’…Et qu’en observant ce qui se passe là-bas, on a une idée de ce qui nous attend ici (voyez Sarko en France qui veut ficher les bébés turbulents..).
S’agit aussi de faire preuve d’un peu de souplesse et d’esprit d’à-propos : ce qui était demandé à notre confrère américaine, ce n’était pas d’aider à coincer un homme ‘suspecté de terrorisme’ mais ‘de viol’…
Pour terminer : c’est vrai que pas mal de gens (et pas seulement les plus âgés) me demandent, un livre à la main: ‘et celui-là, je l’ai déjà lu monsieur?’ et que je suis obligé de leur expliquer que non, le logiciel ne me permet pas de le savoir et que non, il n’est pas mal foutu, c’est une question de protection de la vie de privée. Mais neuf fois sur dix, ils trouvent que mon explication est un peu excessive quand même…Se rappelent pas comment le tueur se fait identifier dans ‘Seven’…
X-tof et Nescio,
Face au même type de cas, j’aiderais directement la police. Je ne suis pas encore papa mais je travaille toute la journée avec des enfants, leur protection est naturellement une priorité. Mais je comprends le cas de conscience devant lequel s’est retrouvé cette bibliothécaire américaine. C’est une peu le même problème que lorsque la police demande à un médecin le dossier médical d’un patient. Le secret médical existe et ne peut être levé que via un mandat. Est ce au médecin de juger en son âme et conscience au cas par cas ou la règle doit être la même pour tout le monde ? Si les informations sont fournies sans mandat pour le pire immonde salopard qu’est ce qui empêchera par la suite un médecin fondamentaliste de dénoncer une fille voulant se faire avorter dans un Etat où c’est interdit. En son âme et conscience il empêcherait un meurtre.
Je suis d’accord qu’il faille faire preuve de souplesse, mais les Etats-Unis sont souvent le pays du tout ou rien. Le Ku-Klux-Klan peut défiler librement en rue en raison de la loi sur la liberté d’expression. Cette même loi qui a permis au patron d’Hustler de gagner son procès devant la Cour Suprême face au révérend Jerry Falwell. Les américains sont des légalistes qui craignent les précédents judiciaires, tandis que nous sommes le pays qui a inventé le compromis 😉
Une chose est certaine : la vie d’un américain est dirigée par la peur du tribunal. Que les vendeurs de “mix-soup” se sentent obligés d’écrire dans la notice qu’il ne faut pas mettre ses doigts tant que l’appareil est en marche pour éviter d’être trainés devant les tribunaux, est quand même surréaliste.
Pour ce qui est du dossier médical, dire non ne nuit pas à l’intégrité physique ou mentale. Il n’y a pas d’urgence dans ce cas.
Bonjour,
Je suis tombé sur ce site par hasard en faisant des recherches sur des problèmes déontologique en bibliothèque, un sujet sur lequel m’appuyer pour mon devoir (je suis étudiante en littérature de jeunesse). Ce sujet serait parfait, mais je n’arrive pas à trouver d’autres info dessus. Les liens que vous avez mis ne marchent pas. Pourriez-vous m’en dire plus? Notament quelles sanctions pour la bibliothécaire qui a refusée de collaborer.
Merci d’avance!
Bonjour Emilie,
C’est le problème avec les journaux, les articles se retrouvent souvent enterrés au fonds d’archives payantes. Voici quelques liens qui fonctionnent et qui parlent de l’affaire, je te les ai mis par ordre chronologique des événements:
http://www.libraryjournal.com/article/CA6350756.html
http://www.ala.org/ala/alonline/currentnews/newsarchive/2006abc/october2006a/hasbrouck.cfm
http://www.lis.uiuc.edu/oc/news/displaynews.html?source=vgAG0xUZhZLuMF3L0D0.YVLaogp4xaGy.Q87FXvWtMM=&year=hTs0L3zJE5-LUovrFiob9w==