Je viens de terminer de lire Dieu qui parle de Tony Hillerman. Hillerman est l’un de ces auteurs dont je lis les ouvrages depuis plus de 15 ans. Il écrit des polars contemporains qui se déroulent dans la réserve Navajo qui s étend entre l’Arizona, l’Utah et le Nouveau Mexique. On y suit les enquêtes du lieutenant Joe Leaphorn et de Jim Chee de la police tribale Navajo. Leaphorn est le protagoniste des premiers romans de Hillerman tandis que Chee apparaît un peu plus tard. Le premier est un policier pragmatique qui respecte les coutumes Navajo, mais n’y voit que des coutumes. Le second est plus jeune et beaucoup plus religieux, parallèlement à son métier de policier, il étudie pour devenir shaman.
L’aspect passionnant de ces romans est que l’on découvre un univers qui nous est souvent inconnu (à moins d’être anthropologue). J’avoue que 95 % de ce que je sais des indiens Navajo, Hopis ou Zuni, je les connais grâce aux romans de Hillerman. Les traditions, la religion, et les cérémonies des indiens de la réserve sont souvent très présent dans ses romans et font partie intégrante de l’histoire. L’alchimie entre les personnages, les histoires et cet univers donne un résultat qui vaut vraiment la peine d’être découvert.
Les livres de Hillerman sont disponibles en français chez Rivages/Noir. Allez jeter un coup d’œil à ce site de fan (en français) pour plus de détails sur l’auteur et son univers, ainsi que pour voir dans quel ordre lire ses romans (toujours mieux pour suivre l’évolution des personnages).
Dernier détail : Hillerman est une star sur la réserve, il y a grandis et a été officiellement reconnu « ami des indiens ». De plus, Myriam, une collègue de la bibliothèque de Jette m’a raconté que l’on trouve ses romans partout dans la réserve, jusque dans la moindre station service où ils remplacent avantageusement les habituels Tom Clancy…
Category: critiques
Zen and the Art of Motorcycle Maintenance
J’ai décidé de garder une trace de mes lectures sur GG. Je ne me lance pas dans du retro-catalogage et je commence donc à partir du dernier livre que j’ai lu.
Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes est un roman philosophique écrit en 1974 par Robert M. Pirsig. On y suit un voyage à moto réalisé par l’auteur à travers les Etats-Unis avec son fils Chris et un couple d’amis. Ce voyage est le prétexte à un exposé, un chautauqua donné par Pirsig. L’auteur mélange philosophie et histoire de sa propre vie. On apprend qu’il sort d’un hôpital psychiatrique où son ancienne personnalité (qu’il nomme Phèdre) a été détruite à coups d’électrochocs. Dans son ancienne vie il était un professeur d’anglais et de rhétorique passionné de philosophie. Tout va basculer quand il va se lancer dans l’étude du concept de qualité. A la suite de ses recherches il met en place un système philosophique qui divise la pensée humaine en deux types : romantique et classique. Surtout, il voit en la qualité la force créatrice au cœur de toute chose et qui transcende la dualité traditionnelle entre sujet et objet. Cette quête de la qualité va l’entraîner dans la folie.
Au moment de son voyage, l’auteur est devenu rédacteur de manuels pour ordinateurs. C’est ici qu’entre en jeu l’entretien des motos. Pirsig est un technicien passionné de mécanique, un parangon de la pensée classique. Il veut nous faire comprendre l’importance de la connaissance de la technologie. Mais plus encore il veut faire le lien entre la pensée classique et la romantique. Et veut éliminer la crainte anti-technologique qui va souvent de pair avec la pensée romantique. Pour lui, le Bouddha se trouve au cœur de la moindre vis du moteur d’une moto ou d’un circuit d’ordinateur.
Au fil du livre on se rend compte qu’il veut surtout faire le pont entre Phèdre, son ancien moi romantique, et son nouveau moi classique. Réunies, les deux personnalités seront plus que la somme des parties.
A la suite de ce livre Pirsig a développé ses réflexions pour créer la métaphysique de la qualité. Je ne suis pas d’accord avec toutes ses idées, mais j’aime beaucoup sa philosophie sur le rapport avec la technologie. Le livre a eu beaucoup de succès à l’époque et continue à bien se vendre. Ses idées sur la technologie se retrouvent en filigrane dans la philosophie du net et de certains concepts informatiques. Je suis intimement persuadé qu’il y a un rapport.
Le livre est plus facile à lire qu’un ouvrage de philosophie mais moins qu’un roman classique. Si le sujet vous intéresse, je vous conseille (comme souvent avec les objets importants de la culture contemporaine) d’aller jeter un coup d’œil sur la notice de Wikipedia. Ils reprennent des liens vers un site dédié à la métaphysique de la qualité et vers une collection de photos prises durant le voyage de Pirsig. Je vous rajoute le lien vers le livre sur amazon.com : il est toujours amusant de jeter un coup d’œil aux critiques des lecteurs. Les avis sont très tranchés, les gens adorent ou détestent. Et les avis négatifs sont souvent peu développés : les lecteurs se plaignent de ne rien avoir compris et expliquent que l’auteur doit être fou puisqu’il est passé par des séances d’électrochocs.
En fin de compte, je vous le conseille. Tout n’est pas bon, mais il se peut que vous trouviez le Bouddha entre deux explications sur le démontage d’un moteur.
Update (07/12/2006): voici une excellente interview avec Robert Pirsig.