Le Grand Vaisseau est vaste comme un système solaire et vieux de plus d’un milliard d’années. Il dérive, vide et abandonné, à proximité de notre galaxie lorsque les Terriens s’en emparent. Après l’avoir colonisé, ils le transforment en paquebot de luxe, qui emporte plus de cent milliards de représentants de toutes les espèces intelligentes de la Voie lactée pour une croisière au milieu des étoiles. Un capitaine principal et cinquante mille capitaines secondaires gèrent les milliers de salles aussi vastes que des lunes, dotées chacune d’un environnement adapté à ceux qui s’y installent. Pendant ce temps, le vaisseau cherche à communiquer avec ceux qui l’ont capturé, mais personne ne l’entend.
Nul ne sait d’où vient le vaisseau, ni à quoi il sert. Jusqu’au jour où les capitaines découvrent, au coeur même de l’immense artefact, une chambre dissimulée contenant une planète au noyau de métal opaque, qu’ils décident d’explorer malgré le danger. Le secret du vaisseau est à ce prix.
Le nom de Robert Reed n’est pas inconnu des amateurs de science fiction. Il s’est fait connaître par des titres tels que le lait de la chimère ou le voile de l’espace. Ses histoire combinent une grande originalité et un intérêt poussé pour la psychologie de ses personnages. C’est un créateur d’univers hors pair. Et à l’inverse de beaucoup de titres de SF, la psychologie de ses personnages est souvent aussi (si pas plus) importante que les autres aspects de ses histoires. Cela m’avait particulièrement marqué dans Le lait de la chimère, titre par lequel je l’avait découvert. On y suit les aventures d’une bande d’enfants issus de manipulations génétiques. Tous possèdent des “pouvoirs” particuliers et ensemble ils essaient de trouver leur place dans un monde en mutation. Les relations entre les personnages et l’histoire de cette bande de copains sont le pivot de l’histoire et pas le côté scienfictionesque (sic).
Dans son dernier opus traduit en français, il s’essaie au space opera. Comme souvent dans ce sous genre de la SF, l’échelle est démesurée. Pas de grand empire galactique, mais des multitudes de races extraterrestres et surtout le grand vaisseau et son équipage humain. Le vaisseau est vaste comme un système solaire et son équipage humain immortel. Les salles sont vastes comme des lunes et la moindre occupation des humains s’étale sur des milliers d’années. Cette échelle crée un style froid, dur, et glacé comme les océans d’hydrogène liquide qui alimentent les moteurs du vaisseau. Beaucoup de critiques ont reproché cette froideur à Reed. C’est justement ce que j’ai apprécié dans son histoire. Cet aspect lisse et résolument post-humain est la plus grande réussite du roman. Vers la fin de l’histoire on revient à des préoccupations plus traditionnelles, psychologiques et habituelles chez Reed : luttes de pouvoir, trahisons et combats idéologiques. Le roman y perd alors en force et les explications de Reed ne sont pas toujours satisfaisantes. Le phénomène est curieux. Alors que d’habitude, c’est la psychologie des personnages que j’aime chez lui, dans ce cas ci c’est sa distanciation de leur humanité que j’ai apprécié.
Tous les secrets du vaisseau n’ont pas été dévoilés, mais le roman est le premier tome d’une trilogie. Je vais attendre la suite et voir comment il développe son histoire. Convaincu ? Pas totalement. Mais séduit, intrigué et curieux de retrouver les vastes paysages étrangers du grand vaisseau. (pour ceux que ça intéresse, le premier chapitre est disponible en ligne et en français).